HABITAT & ÉCONOMIE
Jamais la césure entre la mauvaise santé de l'économie réelle de notre pays et les revenus des capitaux qui se sont engouffrés depuis une vingtaine d'années dans l'économie productive ou encore sur le marché immobilier afin de tirer parti d'opportunités spéculatives n'avait été aussi manifeste qu'aujourd'hui.
Cette situation paradoxale traduit le décalage croissant qui existe entre le retour sur investissement que réalisent les financiers qui s'affairent dans l'économie productive ainsi que sur le marché de l'immobilier d'habitat ou d'entreprise d'un part, et la rétraction continuelle du pouvoir d'achat que subissent la plupart des ménages hexagonaux qui sont confrontés à l'effondrement de pans entiers de notre économie productive et à la progression irrésistible du chômage qui en résulte de l'autre. Cette situation nous révèle ainsi à quel point le système ultralibéral, dont ses défenseurs nous vantent pourtant continuellement les bienfaits régulateurs, se nourrit en réalité du chaos dévastateur qu'il engendre.
La phase économique présente que traverse le pays est de ce fait fort préoccupante, et il ne se passe pas une seule journée sans que de nouvelles annonces de fermetures d'usines,
d'augmentation des déficits publics viennent sans cesse assombrir un peu plus le tableau. Cette situation pourtant critique n'a toutefois pas encore provoqué une correction massive et tant attendue des prix de l'immobilier d'habitation et d'entreprise, ce qui ne fait que pénaliser dans ce contexte qu'encore un peu plus les ménages ainsi que notre activité économique.
DES TAUX D'EMPRUNT PROCHES DE ZÉRO QUI NE FONT QUE COMPLIQUER LES CHOSES
Alors que le secteur de l'immobilier d'entreprise perçoit déjà les premiers signes de la rétraction de l'activité économique qui résulte de l'affaiblissement de la demande interne ainsi que de la chute des exportations, l'épargne des particuliers aisés continue quant à elle d'affluer vers l'immobilier d'habitat ou l'investissement locatif qui constituent pourtant un des types de placements qui créent le moins de richesse économique, même si, l'effet spéculatif faisant, les prix immobiliers ont artificiellement bondi de 141 % entre 1998 et 2010. Cette explosion des prix immobiliers s'est opérée en totale déconnection avec la santé économique du pays puisque, pendant ce même laps de temps, les revenus de nos concitoyens n'augmentaient que de 35 % et l'industrie française perdait plus de 2 millions de postes de travail ainsi que près 40 % de ses capacités productives et exportatrices.
BERLIN 2014 : Les salariés allemands subissent actuellement un démontage social sans précédent depuis la grande crise économique des années 30. Toutefois, l'accession au logement est bien plus abordable qu'en France. Exemple: Un petit appartement 2 pièces (à rafraîchir) de 54 m² situé dans cet immeuble cossu du centre ville coûte 125 000 € à l'acquisition et moins de 8 €/m² s'il devait être mis en location. Cela montre à quel point les prix du marché immobilier français sont surévalués. Photo : www.immoscout24.de
Malgré cela, et sans même chercher à tirer les leçons des errements du passé qui ont engendré notre actuel désarroi économique, nombre de nos concitoyens plus follement téméraires que calculateurs, généralement issus des 30-40 ans, prennent encore aujourd'hui la lourde décision de s'endetter (jusqu'au cou pour certains) afin d'acquérir des logements ou d'investir dans l'immobilier locatif à des prix d'acquisition dont on sait pourtant qu'ils sont manifestement surfaits . La principale motivation de ces derniers semblant reposer sur un emballement hasardeux dicté par les seuls taux d'emprunts - situés à peine au-dessus du niveau actuel de rémunération d'un livret A - rendus possibles par la politique monétaire que mène actuellement la BCE qui cherche à insuffler du crédit à bas coût sur le marché financier afin de doper les économies européennes.
Ces emprunteurs foncent tête basse dans l'acquisition de biens dont la quotité d'emprunt est désormais passée de 70 à 80% de la valeur de l'objet convoité et dont l'échelonnement de remboursement s'effectue sur des échéances toujours plus longues. Peu d'entre-eux semblent se soucier de ce qu'il adviendrait de la valeur des biens ainsi acquis si, par malheur, les difficultés économiques actuelles devaient aller de mal en pis.
Faudra-t-il désormais travailler plus pour espérer ne pas gagner moins à seule fin de satisfaire l'attente immodérée de dividendes des financiers qui s'accaparent de plus en plus de pans de l'économie productive. Photo : Charles Chaplin "Les Temps Modernes" ou "L'humanité à la recherche du bonheur".