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29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 20:21
Günter Grass : Ses interventions publiques irritaientt les uns et fédéraient les autres, mais ne laissaient en fin de compte personne indifférent.

Günter Grass : Ses interventions publiques irritaientt les uns et fédéraient les autres, mais ne laissaient en fin de compte personne indifférent.

 

Le romancier allemand Günter Grass s'est éteint le 13 avril 2015 à l'âge de 87 ans. Enrôlé dès l'âge de 15 ans dans les jeunesses hitlériennes, puis appelé à 17 ans, en novembre 1944, dans une division blindée de la Waffen-SS, il fut fait prisonnier par les Américains le 8 mai 1945, avant d'être libéré en avril 1946. Grass prétendait avoir rencontré Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, dans la prison de Bad Aibling où tous deux se trouvaient. Pour autant, rien ne prédisposait alors ce jeune homme dont le parcours fut calqué sur celui de millions de ses concitoyens impliqués dans un horrible conflit guerrier enclenché par les nazis à devenir un des auteurs les plus talentueux et influents de son temps. 

 

 

                      UN AMOUREUX DES MISSIONS CIVILISATRICES

 

 

Considéré comme l'un des plus grands écrivains contemporains de langue allemande, Günter Grass aura été une des figures pacifistes les plus en vue de l'après guerre, mais également un auteur fort polémique dont l'engagement moral et social furent hors-pair. Il mettra en scène dans ses romans des personnages marqués par l'expérience traumatisante du nazisme et positionnera ses récits dans la réalité socio-politique de l'Allemagne qui dériva à compter de 1933. Son œuvre explorera les méandres de l'Histoire allemande contemporaine avec une ténacité et sincérité qui ne reculeront devant aucune accusation de culpabilité et responsabilité collectives. Cette attitude lui valut d'être élevé au rang de "conscience nationale" par les uns, mais également d'être titulé de "renégat" par tous ceux qui se compromirent avec le règime national-socialiste.

 

 À la manière de ce qu'exprimèrent de grands écrivains pacifistes tels Kurt Tucholsky ou encore Carl von Ossietzky dans le début des années 30, Günter Grass fut très critique à l'égard du réarmement allemand dans le courant des années 50. Cet engagement le lia d'amitié avec l'ancien exilé politique puis homme d'État qu'a été Willy Brandt, et tous deux jouèrent un rôle déterminant dans la perception que l'on avait de l'Allemagne en Europe et dans le monde à cette époque. Günter Grass obtint le Prix Nobel de littérature en 1999 pour l'ensemble de son oeuvre jugée tout autant baroque qu'empreinte d'un engagement sociétal profond.  On dit qu'il aurait souhaité pouvoir partager cette distinction avec la grande romancière est-allemande que fut Christa Wolf et dont les écrits engagés ainsi que la stature morale n'étaient pas moins valeureux que les siens.

Günter Grass et Willy Brandt en 1972. Un duo qui facilitera grandement la réintégration de l'Allemagne dans le concert des grandes nations démocratiques.

Günter Grass et Willy Brandt en 1972. Un duo qui facilitera grandement la réintégration de l'Allemagne dans le concert des grandes nations démocratiques.

SON ULTIME POÈME AURA  ÉTÉ PRÉMONITOIRE

 

Günter Grass fit, il y a de cela 3 ans, paraître sous le titre "La honte de l’Europe" (Europas Schande *), le dernier de ses poèmes qui fustigeait les élites européennes sur la manière dont la Grèce est traitée par les marchés financiers et les gouvernements de l'UE. L'auteur s'en prenait en douze strophes, composées chacune de deux vers, aux mesures d'austérité imposées à ce pays par la Troïka (BCE+FMI+CE), accusant Bruxelles de l'avoir plongé "au bord du chaos" et accentué la misère de masse ainsi que le désespoir social. "Cloué nu au pilori, car criblé de dettes, un pays souffre" affirmait-il, relevant par ailleurs que les mesures dictées par l’UE ne frappent en fait pas tous les Grecs avec la même intensité, puisque ceux qu'il désignait avec ironie  les "adeptes de Crésus" ont en fait depuis longtemps déjà transféré leurs comptes en Suisse ou ailleurs.

 

Se référant à l'Iphigénie en Tauride de Goethe, Günther Grass pointait également dans une des strophes de ce même texte la façon dont les élites cultivées ont, de nos jours, jeté par dessus bord leurs principes humanistes pour ne plus se comporter qu'en égocentriques ; "Ce que jadis on recherchait et trouvait avec son âme n'a aujourd'hui guère plus de valeur qu'un tas de ferraille" notait-il, s’émouvant par ailleurs de constater que l'Europe s'était bien mieux accommodée du putsch militaire des colonels qui fit passer de 1967 à 1974 des années de plomb au peuple grec, que de l'endettement du pays qui fait "hurler les commissaires claqueurs" de Bruxelles précisait-il. N'excluant plus une éviction de la Grèce de l'UE sous la pression conjuguée des marchés financiers ainsi que des omnipotents cercles conservateurs, Günter Grass terminait alors son dernier et bel écrit engagé sur une touche prémonitoire inspirée de la tragédie d'Euripide :  "Tu vas périr privée d’âme et sans le pays qui t’a conçue, toi l’Europe", sentence au ton désabusé et dont le pessimisme semble entre temps être partagé par nombre de citoyens européens qui ne parviennent plus à s'identifier à une Europe communautaire dominée par le monde de l'affairisme et désormais entrée dans une phase de doute existentiel.

 

La Rédaction d'HENDAYENVIRONNEMENT

 

 

* Lire le texte intégral du poème (en allemand) : http://www.haus-der-literatur.com/newsextra/EuropasSchande.htm  Les interprétations et traductions des extraits du poème de Günther Grass sont de Sirius, notre traducteur maison.

 

Lire également, concernant la situation en Grèce, nos articles suivants :

http://hendaye.environnement.over-blog.fr/2015/02/dette-souveraine-grecque.html

http://hendaye.environnement.over-blog.fr/article-dettes-souveraines-108856827.html

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