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ENVIRONNEMENT
Poursuivi pour avoir refusé de traiter ses vignes, un viticulteur «bio» est en passe de devenir le symbole de la résistance aux industriels de la chimie des plantes et aux pépiniéristes.
Au tribunal correctionnel de Dijon, on avait rarement vu ça. C’est ce lundi 24 février, vers 13h30, que débutait le procès d’Emmanuel Giboulot. En cet après-midi ensoleillé, plus de 500 personnes avaient accompagné le vigneron de Beaune devant ses juges. Objet des poursuites: le non-respect d’un arrêté préfectoral «organisant la lutte contre la flavescence dorée, son vecteur et le bois noir dans le département de la Côte d’Or».
Une vraie plaie
Pour les vignerons, la flavescence dorée est une vraie plaie. Venue d’Amérique du Nord, cette maladie peut provoquer la mort des ceps. Elle est portée par un phytoplasme (un genre de bactérie), qui se développe dans la vigne et dans un petit insecte suceur et piqueur: la cicadelle (Scaphoideus titanus). Celle-ci est probablement arrivée, au début du XXe siècle, dans les vignes européennes avec les porte-greffes américains résistant au phylloxera… et à la flavescence. Depuis, il ravage les vignobles du Bordelais, du Languedoc, de Midi-Pyrénées et plus récemment de Bourgogne.
A ce jour, les géants de la phytopharmacie n’ont développé aucune parade au cytoplasme. Aussi, la lutte chimique se concentre-t-elle sur l’insecte. Et c’est l’objet de l’arrêté préfectoral du 7 juin 2013. Ce texte oblige les viticulteurs de toutes les communes du département de la Côte d’Or à traiter préventivement leurs vignes, conformément à l’arrêté ministériel du 1er avril 1994. Les pieds infectés devant être systématiquement arrachés et incinérés. Tout ça pour quelques parcelles contaminées.
Obligation de traiter
Les vignerons classiques n’y trouvent rien à redire. Les bio, si. Qu’à cela ne tienne, leur rétorquent les autorités, un traitement chimique à base de pyrèthre, compatible avec l’estampille AB, est disponible. Tout le monde peut et doit donc jouer du pulvérisateur lorsque le décret paraît. En Bourgogne, Emmanuel Giboulot a dit non. Pratiquant la viticulture en biodynamie depuis les années 1970, le rebelle quinquagénaire produit, sur ses 11 hectares, d’excellents Hautes-Côtes de Nuits, Côte de Beaune et autre Saint-Romain.
Habilement médiatisé, son refus fait des vagues. Sur Facebook, une page de soutien affiche plus de 100.000 opinions favorables. Une pétition lancée par l'Institut de protection de la santé naturelle est signée par 500.000 internautes. Les professionnels s’y mettent. Propriétaire de la mythique Coulée de Serrant, Nicolas Joly monte au créneau. «La flavescence s’installe de préférence sur les vignobles poussant dans les sols affaiblis par la chimie. Or la seule réponse que l’on nous impose est de recourir à cette même chimie qui va achever de détruire la micro-faune, dont nous avons besoin», s’emporte l’auteur de La viticulture en biodynamie. Et le vigneron aux vignes 8 fois centenaires de préconiser des traitements à base d’ortie, d’aloe vera ou de cendres de… cicadelle.
Une stratégie inefficace
A Pomerol, on tient sensiblement le même langage. «Cela fait des décennies que cette maladie est présente dans le Bordelais, et malgré les traitements chimiques, elle ne régresse pas. De plus, on oublie toujours qu’en traitant chimiquement les vignes, les riverains en prennent aussi une bonne dose», rappelle Claire Laval, de château Gombaude Guillot.
Soutenant à 100% Emmanuel Giboulot, ces barons de la biodynamie sont même prêts à entrer en résistance. «Nous préparons des collectifs dans toute la France. Il est temps de mettre un coup d’arrêt à ces pratiques qui ne visent qu’à une seule chose, renvoyer le vigneron vers les industriels de la chimie», tonne Nicolas Joly.
Le chauffage sinon rien
Dominique Techer a d’autres cibles dans son collimateur. Le mari de Claire Laval dénonce la collusion entre les pouvoirs publics et le discret (mais efficace) lobby des pépiniéristes. «Le ministère de l’agriculture fait semblant de croire que les plans de vigne ne circulent pas. Ce qui est faux. Nombre de vignerons bordelais ont acquis, auprès de pépiniéristes locaux, des plans provenant de régions infestées, comme le Languedoc-Roussillon. Cela fait voler en éclat leur soi-disant traçabilité.» Pour le vigneron de Pomerol, la seule arme efficace contre la maladie est le «chauffage»: tremper les plans dans de l’eau chauffée à 50°C avant leur plantation. «Cela éradique le phytoplasme. Mais comme cette pratique impose de modifier les habitudes culturales, elle n’est pas du goût de tout le monde.»
Information confirmée par André Lefebvre: «quand les premiers pieds de vignes contaminés sont arrivés en Rhône-Alpes, la profession agro biologique et le service d'écodéveloppement agricole et rural de Bourgogne, que je dirigeai alors, demandait au préfet de prendre un arrêté pour rendre obligatoire les traitements à l’eau chaude plants greffés provenant de la région Rhône-Alpes et fortement contaminés; traitements refusés à l’époque pour de mauvaises raisons», rappelle l’administrateur de Générations Futures.
Dans le monde de la viticulture classique, le «cas Giboulot» fait grincer des dents. Vendredi 22 février, les responsables du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne et du service d’écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne ont rappelé qu’il n’y avait pas, selon eux, d’alternative crédible aux traitements phytosanitaires.
Nombre d’entre eux espéraient bien que justice soit faite, histoire de décourager les mal-pensants. Ils seront probablement déçus. Lundi, le parquet a requis en tout et pour tout 1.000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis. Emmanuel Giboulot encourait 6 mois d'emprisonnement et 30.000 € d'amende. Le jugement a été mis en délibéré au 7 avril prochain.
Source : www.journaldelenvironnement.net